Masser avec des Huiles Essentielles, Entretien avec Audrey Berger, formatrice et créatrice du cursus Aroma & Massage (2/3)

Biopulse Audrey Berger

Cultivatrice de plantes médicinales, Audrey Berger est aujourd’hui masseuse bien-être, formatrice et créatrice du cursus Aroma & Massages chez Biopulse Formation, à Paris.

Les stagiaires de Biopulse la connaissent à travers les incontournables formations qu’elle anime, et le suivi qu’elle assure auprès de chacun·e en qualité de directrice pédagogique.

Discrète sur elle même mais vibrante comme une plante, nous lui avons posé à la Maison Biopulse quelques questions pour savoir ce qui l’a emmenée par ces chemins et ce qui l’émerveille autant dans la compagnie avec les Huiles Essentielles.

Ceci est la deuxième partie de notre entretien. Vous pouvez lire la première partie ICI

MASSER AVEC DES HUILES ESSENTIELLES

(Biopulse) En quoi cela peut-il être intéressant de s’associer avec des plantes dans les métiers du bien-être ?

(Audrey Berger) C’est un vrai plus. Les Huiles Essentielles (HE) sont une forme moléculaire riche, intéressante, qui a une action physiologique puissante, dans une gamme d’utilisation par ailleurs très large. On peut les utiliser avec un effet symptomatique, c’est à dire pour un problème donné choisir telle ou telle HE. On peut soulager beaucoup de maux communs comme cela – sans toutefois être dans la thérapeutique, qui n’est pas notre domaine en massages de bien-être. On peut également créer des ambiances, stimuler… Les HE s’adressent directement au cerveau limbique, connecté à nos souvenirs. Elles peuvent donc nous aider à nous remettre dans des ambiances passées qui sont bonnes pour nous. De la même manière, ce qui a été vécu pendant une séance de massage avec une HE, cette ambiance olfactive, on peut l’emmener à la maison.

L’expérience du massage s’imprime en quelque sorte avec les HE et on pourrait réactiver les bienfaits d’une séance par leur simple parfum ?

Exactement. Juste en se passant une huile sur le corps à la maison, en prenant le temps de la respirer…

Donc on peut réactiver ou créer de nouvelles mémoires de bien-être par des massages aux HE…

Oui, c’est ça la puissance de l’odeur.

Aujourd’hui on trouve sur le marché beaucoup d’huiles pour le massage déjà prêtes à l’emploi. Quels avantages trouves-tu à faire tes propres compositions ?

Premièrement, je connais la qualité des produits que j’utilise. Je sais ce qu’il y a dedans, en quelle quantité. Ensuite, beaucoup de produits sur le marché sont très complexes dans leurs compositions. Moi je préfère la simplicité. Un peu comme en homéopathie où il y a un courant, « les Unicistes », des praticiens qui cherchent chaque fois quelle plante pour quelle personne. En massage aussi, pour une problématique donnée, j’ai toujours le choix entre au moins 4 ou 5 HE. J’aime choisir la mieux adaptée. Pourquoi choisir celle-ci plutôt qu’une autre, pour telle personne ? J’aime cette approche, plus ciblée, plus personnelle.

Tu privilégies un rapport intime avec les HE finalement. Un peu comme si tu n’avais pas envie de convier trop de monde, sinon après on ne sait plus qui parle…

Exactement ! Si je mets trop d’HE différentes dans mon mélange, forcément dans le lot il y en a une qui va marcher… mais je vois moins l’intérêt. Pour moi c’est plus intéressant d’aller chercher celle qui correspond au besoin, à la personne, au moment, ce qui permet également de ne pas surcharger l’organisme avec quantité d’informations..

De l’élire, vraiment

Oui, je fonctionne par affinités. Et je cherche la composition la plus simple possible. Parce qu’une seule HE c’est déjà une richesse moléculaire énorme – pour certaines il y a plus de 200 à 300 composés moléculaires différents ! Ça fait beaucoup d’informations à traiter pour le corps. En mettre trop dans un mélange, c’est risquer de saturer l’organisme. Sans compter que ce sont des molécules que nos organes doivent recycler ensuite, métaboliser, évacuer… Donc, je préfère des produits pas trop forts, c’est à dire des petites dilutions, avec le moins d’ingrédients possibles… Rien de tel que mes propres compositions !

À ce propos, les masseur·se·s sont-ils de fait exposé·e·s à de trop fortes doses d’HE par les mains ?

À des dilutions faibles, je ne vois pas vraiment de risques. Il y a des études qui se penchent sur la question, mais il faut savoir que ça reste très difficile d’évaluer les doses absorbées. Ça dépend du pouvoir de pénétration, du support végétal utilisé, de l’absorption par la peau, or chaque peau absorbe différemment… Mais encore une fois, je pense qu’en travaillant avec des dilutions faibles, il n’y a pas vraiment de risques.

Ensuite bien sûr, en tant que masseuse, je me respecte aussi. Evidemment je ne vais pas utiliser une HE que je n’aime pas, qui me crée une réaction, même si je sais théoriquement qu’elle ferait du bien à la personne. Si je n’ai pas d’affinités avec elle, je ne l’utilise pas, il y a suffisamment de choix pour en choisir une autre…

C’est vraiment une question d’affinités. Il faut s’élire mutuellement, en somme.

Oui. D’ailleurs d’un point de vue de leur mode d’action, on dit que les HE sont électives. Elles vont là où le corps a besoin, le corps est capable d’appeler les molécules chimiques là où il en a besoin.

Qu’est ce qui te guide quand tu composes une huile de massage ?

D’abord, mon objectif avec la personne massée. On a discuté, je connais son besoin ou ses problématiques, on définit une intention ensemble. Puis, j’essaie de créer quelque chose d’harmonieux au niveau de l’odeur, en restant comme j’ai dit dans des compositions simples. Trois, quatre HE, pas plus.

Peux-tu donner quelques exemples d’objectifs, d’intentions en massages bien-être avec des HE ?

Un classique est bien sûr le relaxant, le massage anti-stress, qui permet d’apaiser certaines angoisses. Ou encore, le soutien en cas d’épuisement, pour renforcer, ou pour dynamiser.

J’imagine qu’il y a plus d’une composition possible pour amener la relaxation ?

Oui, pour un même objectif on peut décliner une multitude de compositions.

Concrètement, selon le temps qu’on a pour ça, on peut faire des petits tests olfactifs, et établir avec la personne les HE qui lui correspondent le mieux pour proposer un mélange.

C’est ce qui permet de sortir un peu des clichés non ? On a tendance à retrouver un peu toujours les mêmes senteurs..

Oui, alors qu’il y a tout un monde à explorer justement pour une même intention.

Typiquement il y a des senteurs comme la lavande qui sont tellement utilisées qu’on finit par avoir des réactions de rejet, on n’en peut plus. Il y a aussi des huiles qui sont très en vogue, des modes, comme l’Ylang Ylang. À un moment donné, dans tous les spas, tous les salons de massage on trouvait de l’Ylang. Parce que c’est merveilleux, c’est sensuel, c’est relaxant, c’est chaleureux, mais il y a des personnes que cela écoeure complètement. C’est pour ça que c’est important de trouver vraiment les huiles adaptées.

Quand tu présentes le cursus tu rappelles que l’usage des HE en massage ne permet pas trop l’approximation. Que veux tu dire ? Pourquoi ?

Et bien parce que ce sont des produits qui sont puissants, et – chose qu’on oublie souvent – très concentrés. Un petit flacon d’HE, correspond à une quantité végétale impressionnante ! Et puis il y a des contre indications, c’est vrai, qu’il faut connaître, suivant les huiles. Ce n’est pas anodin. Pour telle ou telle personne ou problématique, on ne va pas utiliser certaines huiles en effet.

Et puis il y a la question des dosages ?

Oui, quelle quantité d’HE utiliser, et sur combien de temps. Notamment parce que il y a aussi des effets de seuil. Une HE va pouvoir être très bénéfique pour une problématique donnée pendant un certain temps, et puis à un moment donné, il faudra s’arrêter. Dans la médecine avec les plantes, on parle de fenêtre thérapeutique. C’est à dire qu’on soutient l’organisme un temps avec une HE, et puis on arrête pour éviter une accumulation moléculaire qui risquerait ensuite de porter tort au corps. Par exemple, certaines HE qui sont très bonnes pour soutenir le système digestif, sont très riches en cétones. Or les cétones sont toxiques à long terme pour le système nerveux. Donc il y a des choses à savoir sur certaines HE, pour savoir quand arrêter.

Il faut aussi savoir reconnaître la qualité des produits?

Oui, aussi. C’est très important d’avoir des produits de bonne qualité. Il y a beaucoup de choses sur le marché qui on le sait sont coupées, irradiées au métaux lourds, selon les lieux de provenance…

Une fois que tu as pris les précautions importantes relatives aux choix des HE, quelle place laisse tu à l’intuition et la créativité dans la composition de tes mélanges ?

Une grande part ! Je n’aime pas rester dans des choses toutes faites parce que ça ne correspond pas à tout le monde. L’intuition est très importante pour moi, elle me permet de rester à l’écoute du besoin, de la personne, des choses dont je ne peux jamais être sûre malgré toutes mes connaissances, puisque je ne sais jamais le vécu de la personne. Et puis je crois à l’intelligence du corps. Le corps sait ce qui va lui faire du bien. Or on a tendance parfois à s’imposer des choses, ou à imposer des choses à d’autres, contre nos intuitions… Parce que on a lu un article qui dit que… ou bien parce que ma masseuse m’a dit que ceci était bon pour ça…etc. L’intuition, la justesse, vient en se laissant ressentir ce qui va vraiment correspondre, maintenant, à soi, à quelqu’un. Comme je disais, pour une même problématique, il y a toujours le choix entre plusieurs HE. L’expérience et l’intuition guident ensemble ce choix.

Fin de la deuxième partie. Dans la troisième et dernière partie de l’entretien à paraître bientôt, Audrey nous livre des pensées sur le monde merveilleux des Huiles Essentielles, nous parle de ses essences préférées, entre intuition et création.